Les transports publics à Fribourg

En près de 120 ans, l’histoire des transports publics de cette petite ville qu’est Fribourg est pleine de rebondissements, avec pas mal de “électricité, je t’aime moi non plus”. La petite taille critique du réseau fribourgeois incite périodiquement à des choix globaux, théoriquement rationnels, au détriment d’un maintien d’une exploitation mixte. Face à ces défits, les fribourgeois n’ont jamais manqué d’imagination. Des idées, il y a eu beaucoup, avec des expériences inédites (1er trolleybus en Suisse, bus “bimode”, bus “cumulo”…) et des projets plus ou moins audacieux (métro, métro-léger, train-tram…).

A l’instar des activités du Club du Tramway de Fribourg, le cadre de ce portrait des transports fribourgeois se limite volontairement au réseau urbain de la ville de Fribourg et de ses environs. Les quelques évocations de dessertes régionales ne figurent dans ces lignes que pour placer des repères par rapport au contexte historique, ou à l’évolution du transport public.

 

Chronologie

  • 1860 : chemin de fer Lausanne – Fribourg – Bern
  • 1897 : tram : première ligne Gare – Pont-Suspendu
  • 1899 : funiculaire Neuveville – St-Pierre
  • 1900 : tram :
    • ouverture Gare – Pérolles et – Beauregard
    • mise en service dépôt du Bourg
  • 1903 : autobus : première tentative (Singine) avortée
  • 1912 :
    • tram : ouverture Tilleul – St-Léonard et – Grandfey
    • trolleybus : ouverture Fribourg – Posieux (première Suisse)
  • 1913 : tram : “grandes” voitures série 9-13
  • 1914 :
    • tram : abandon des projets de développement ferroviaires
    • autobus : ouverture premières dessertes “stable” vers Singine et Bulle
  • 1923 : install. des ateliers et dépôt dans l’ancienne scierie (halle Ritter)
  • 1924 : tram : constr. du pont de Zaehringen, prolongation de la ligne
  • 1932 : trolleybus : fermeture Fribourg – Farvagny, rempl. par autobus CEG
  • 1936 : tram : extension Beauregard – Vignettaz
  • 1942 : GFM : création par fusion du BR, du FMA et des CEG
  • 1946 : tram : décision de maintien ligne Pérolles – St-Léonard, avec rénovation (-1951)
  • 1949 : trolleybus :
    • ouverture ligne du Jura
    • renforcement tram entre Tilleul – Vignattaz
  • 1951 : tram : fermetureVignettaz – Pt-Zaehringen, rempl. par trolleybus
  • 1955 : tram : fermeture Poya – Grandfey, sans remplacement
  • 1959 : trolleybus : extension Pt-Zaehringen – Schönberg
  • 1964 : autobus : première desserte urbaine entre Vignettaz et Moncor
  • 1965 : tram : fermeture Pérolles – St-Léonard, rempl. par trolleybus
  • 1970 : autobus : ouverture Tilleul – Auge
  • 1972 :
    • trolleybus : abandon Vignettaz – Schönberg
    • autobus : ouverture Moncor – Schönberg (et hôpital cantonal)
  • 1974 : autobus : ouverture place Python – Torry
  • 1976 : autobus : ouverture Beaumont – Torry
  • 1983 : autobus : premiers autobus articulés
  • 1985 :autobus :
    • ouverture Gare – Windig
    • extension Moncor – Les Dailles (- Les Biches)
  • 1987 : autobus : extension Windig – Musy
  • 1989 :
    • bus bimode de première génération
    • trolleybus : électrification Moncor – Schönberg
  • 1990 : autobus : ouverture ligne des Cliniques (ligne 7)
  • 1991 : autobus : extension Beaumont – Villars-Sud (ligne 5)
  • 2000 :
    • TPF : création par fusion des GFM et TF
    • autobus (bimode) : extension St-Léonard – Forum (ligne 1)
  • 2002 : autobus (bimode) :
    • extension Pérolles – Marly (ligne 1)
    • extension Forum – Portes-de-Fribourg (ligne 1)
  • 2004 : bus bimode de 2ème génération
  • 2005 : trolleybus : électrification Moncor – Les Dailles (ligne 2)
  • 2010 : trolleybus
    • remplacement des bimodes I par 9 trolleybus
    • extension Jura – Mont Carmel (ligne 3)
  • 2012 : autobus : intégration de lignes régionales dans le réseau urbain
    • Corminboeuf – Chésoppeloz (ligne 8)
    • Givisiez – La Faye (ligne 9)
    • Matran – Rosé (ligne 11)

       

1860 – 1912 : La fièvre du rail, naissance des dessertes locales

Les gares des grandes lignes de chemin de fer sont souvent éloignées des localités, souvent à cause d’une topographie très vallonnée. C’est ainsi que naissent un peu partout des dessertes locales au départ des gares, soit par des omnibus hippomobiles, soit par des tramways construits à même la chaussée existante, ou en accotement. Fribourg n’échappera pas à la règle.

La mise en service du chemin de fer Lausanne – Fribourg – Bern en 1860 marque ainsi le commencement de l’histoire des transports publics à Fribourg. La gare, située juste en dehors de la périphérie de la ville d’alors, est relativement éloignée du centre-ville, avec une dénivellation assez marquée. Ainsi nait l’idée de construire un réseau de tramway à Fribourg.

Une première ligne de tram reliant la gare et le quartier du Bourg à proximité du “Pont Suspendu” (actuel pont de Zaehringen) est inaugurée en 1897. Trois petites automotrices de 32 places, et à plateformes ouvertes, desservent cet embryon de réseau, garées dans un minuscule dépôt provisoire construit juste en face de la gare.

Le développement du rail à Fribourg se poursuit avec l’inauguration du funiculaire Neuveville – St-Pierre en 1899, et l’extension du tramway vers le quartier ouvrier de Beauregard et au futur quartier de Pérolles en 1900, dont la construction commence à peine. La mise en service d’une ligne vers Grandfey et le nouveau cimetière à St-Léonard en 1912 est imposée par la politique, espérant recentrer le développement de la ville qui s’est accru du côté de la gare.

De nombreux projets ferroviaires sont planifiés, pour certains même au bénéfice d’une concession : liaisons par train en direction de Bulle (par Marly et Thusy), de Planfayon, et de Farvagny, et liaisons par tramway vers Saint-Barthélémy (Schönberg) et Grandfey. Cependant les difficultés financières des différents acteurs, appuyées par les effets de la première guerre mondiale, marquent une fin brutale et définitive à tout projet de développement ferroviaire dans la région.

Entre deux guerres : les “omnibus automobiles”

Alors que la voie ferrée est encore à la mode, on cherche une alternative moins onéreuse pour des liaisons à “longue” distance, vouée à une faible fréquentation. Les expériences des premiers véhicules routiers automobiles se heurtent toutefois au mauvais état des chaussées, alors en terre battue, et aux fortes déclivités.

C’est encore avec la traction électrique que la ligne d’omnibus électriques Fribourg – Posieux est ouverte en 1912, marquant également l’introduction de la première exploitation régulière de trolleybus en Suisse. Ces engins, également précurseurs et circulant sur des routes à peine carrossables, vivront également leur lot d’avaries. L’exploitation, reprise par les Chemins Electriques de la Gruyère (CEG), sera convertie en autobus en 1932.

Les premières lignes régionales d’autobus font une brève apparition en 1903 en direction de Planfayon. Victime du manque de fiabilité de ces engins précurseurs, l’entreprise tombe rapidement en difficulté financière et est aussitôt dissolue. A la veille de la première guerre mondiale, les développements en matière de traction thermique autorisent désormais la construction d’autobus plus fiables, et un réseau régional “d’automobiles postales” se tisse autour de Fribourg dès 1914, d’abord par des entrepreneurs privés, repris par les CEG.

Après guerre : les nouveaux quartiers et le trolleybus

Entre temps le trafic automobile individuel s’est fortement démocratisé et intensifié. On s’intéresse désormais au trolleybus, mieux adapté aux fortes déclivités des nouveaux quartiers fribourgeois et à son insertion facilitée dans le trafic. 

Depuis le frein au développement du rail à Fribourg en 1914, l’extension du réseau de tramway s’est limité à deux courtes prolongations de lignes : sur le Pont de Zaehringen et vers le nouveau quartier de la Vignettaz.

En 1949 les premiers trolleybus “modernes” desservent le nouveau quartier du Jura et renforcent les trams entre le Tilleul et la Vignettaz, artère très chargée. Ces deux lignes de trolleybus sont desservies par 8 petits trolleybus de 60 places de la marque française “Vétra”. En 1959, le réseau trolleybus atteint le haut du Schönberg, atteignant ainsi son apogée pour moins de 15 ans.

Années ’50-’60 : déclin du tram

La première suppression de ligne de tram à Fribourg concerne la ligne, trop chargée pour les petits voitures de tram, Vignettaz – Pont de Zaehringen en 1951. La ligne de Grandfey subit le même sort en 1955 mais pour une raison opposée : extrêmement peu fréquentée,  elle ne sera pas remplacée, les espoirs d’un développement de la ville dans ce secteur ayant été vains. Par contre, le maintien du tram sur son dernier axe Pérolles – St-Léonard est décidé, et la voie est entièrement renouvelée entre 1946 et 1951.

Toutefois, le débat concernant le futur du tramway s’accentue à partir de 1960. Les voies sont à nouveau en mauvais état, les 13 automotrices, âgées de 50 à 70 ans, sont trop petites, le tram gêne de plus en plus le trafic. Ainsiles trams tireront leur révérence le 31 mars 1965, après 68 ans de service, remplacés par 10 nouveaux trolleybus.

Années ’70 et ’80 : les nouveaux quartier et… l’autobus !

Sujette à une forte expansion de ses quartiers résidentiels, Fribourg découvre peu à peu les avantages de l’autobus, mode d’exploitation permettant d’adapter rapidement, et à moindre frais, la desserte des nouveaux quartiers. De son côté, le parc des 26 trolleybus, composé pour moitié de véhicules âgés de plus de 20 ans et de trop faible capacité, présente un urgent besoin de renouvellement.

Alors que le quartier de Moncor est desservi par une navette depuis 1964, l’Auge depuis 1970, 12 autobus neufs desservent tout l’axe Moncor – Schönberg à partir de 1972, permettant d’améliorer et étendre cette desserte.

En pleine crise pétrolière, on étant le réseau des autobus vers Torry et Beaumont, puis dès 1985 vers les quartiers de Windig, Les Dailles, et Musy. On inaugure les premiers autobus articulés en 1983.

Années 1980 : sursis puis renouveau du trolleybus

Cet engouement pour le diesel est tel qu’à la fin des années ’70 on envisage déjà l’abandon de l’exploitation par trolleybus à Fribourg, devenue marginale avec seulement 2 lignes à la fréquentation moyenne. Cependant le parc des 12 trolleybus TF est alors largement composé de véhicules relativement récents, mais qu’aucune autre ville ne souhaite racheter. Finalement, vers 1980 on décide du statu-quo, et de maintenir l’exploitation électrique dans l’état. Mieux, la sensibilisation en faveur de l’écologie urbaine fait son chemin

On essaye un “duo-Bus” issu d’Allemagne, sorte d’hybride trolleybus-autobus (appelé “bus bimode” à Fribourg), permettant de rouler en traction électrique sous lignes de contact en ville, et en traction thermique dans les quartiers périphériques en développement, et ceci avec des performances “comparables”.

Les lignes aériennes de l’ancienne ligne Vignettaz – Schönberg n’ayant finalement pas été démontées, la reconversion en traction électrique de l’axe Moncor – Schönberg est décidée. L’industrie suisse conçoit 12 véhicules “bimodes” sur mesure pour Fribourg, et on inaugure le prolongement de la ligne électrique vers Moncor en 1989, avec extension en traction diesel de la desserte vers le quartier des Dailles.

Années 1990-2000 : l’époque Bimode, mais diesel !

L’expérience de l’électrification de la ligne de Moncor restera un coûteux mais timide effort : aucune autre ligne ne sera ouverte ou convertie en traction électrique avant longtemps. Pire : en raison de chantiers à répétition en ville, les bus bimodes y roulent en traction diesel durant de très longues périodes, alors que les trolleybus sont remisés durant des mois.

C’est donc en traction thermique que le réseau est s’étend avec une nouvelle lignes vers les Cliniques et une extension vers Villars-Sud. L’axe Pérolles – St-Léonard est prolongé par étapes vers Marly et les “Portes de Fribourg”, toujours en traction diesel alors que la ligne est électrifiée sur la moitié central du parcours.

Avec un retard de 2 ans, les TPF mettent en service en 2004 neuf bus bimodes de nouvelle génération sur ce dernier parcours, retard expliqué par l’absence sur le marché de tels engins répondant aux besoins de l’exploitation. Finalement ces véhicules sont également nés d’une conception “Fribourg” sur mesure que l’on ne retrouvera nulle part ailleurs.

Une page importante de l’histoire des transports à Fribourg se tourne en l’an 2000 : les TF fusionnent avec les GFM pour constituer les TPF, et adopter globalement l’identité visuelle blanche et rouge que l’on connaît.

Années 2000-2010 : trolleybus, La bienvenue 3

Suite à d’importants achats d’autobus urbains et régionaux, et la perspective d’un achat de bus “bimodes” plutôt que des trolleybus “purs” moins sujets à la “diesellite” facile, l’opinion publique suspecte les TPF de vouloir abandonner la traction électrique. Alors que d’autres sources énergétiques “propres” se profilent, mais pas encore viables (piles à combustible, batteries…) on constatera le contraire, et même le retour de parcours totalement électrifiés.

Après 3 ans de rebondissements, le tronçon Les Dailles – Moncor est électrifiée en 2005, permettant la traction électrique sur tout le parcours Les Dailles – Schönberg.

Les TPF mettent en service 12 nouveaux “vrais” trolleybus à la fin 2010, des véhicules destinés à circuler uniquement sur les lignes entièrement électrifiées. Simultanément, l’extention Jura – Mont Carmel est électrifié, permettant la traction électrique sur tout le parcours Jura – Pérolles, ainsi que la retraite des derniers bus “bimode” de 1ère génération, âgés de plus de 20 ans. Cette action confirme que les TPF ne sont pas prêts d’abandonner la traction électrique, avec désormais 2 lignes entièrement électrifiées, et une ligne en exploitation mixte.

L’avenir ?

En près de 120 ans, l’histoire des transports publics de cette petite ville qu’est Fribourg est pleine de rebondissements, avec pas mal de “trolley, je t’aime moi non plus”. La petite taille critique du réseau fribourgeois incite régulièrement à des choix souvent globaux au détriment d’un maintien d’une exploitation mixte. Face à ces défits, les fribourgeois n’ont jamais manqué d’imagination. Des idées, il y a eu beaucoup, avec des expériences inédites (1er trolleybus en Suisse, bus “bimode”, bus “cumulo”…) et des projets plus ou moins audacieux (métro, métro-léger, train-tram…)

Cependant deux choses sont certaines : le tram “pur” ne reviendra jamais dans nos rues, et l’autobus n’est pas prêt de les quitter. Cependant, la traction électrique, quant à elle, va probablement enfin évoluer, pour s’affranchir des coûteuses et contraignantes lignes bifilaires de trolleybus (dont le principe remonte aux années 1930), à l’instar des rails de tram en 1965…

A partir de ce moment là, l’autobus et le trolleybus n’en feront plus qu’un (l’électrobus ?), mettant ainsi un terme à la longue polémique de la traction thermique autonome contre la traction électrique restreinte.